Underwater UnderSurface Alex Voyer
Sport

L’Arrêt ou la rupture amoureuse, un an après.

« Les décisions représentent seulement le commencement de quelque chose.
Quand on prend une décision, on se
plonge dans un courant impétueux qui emporte vers une destination que l’on n’a jamais entrevue, même en rêve. »

Paulo Coelho, L’Alchimiste. 


La rupture

C’était il y a un an, quasiment jour pour jour. Cet arrêt du plongeon je l’ai vécu et le vis un peu comme une rupture : la séparation douloureuse de quelqu’un dont j’étais follement amoureuse, dont j’ai partagé le quotidien pendant de longues années, mais dont l’amour était devenu plus destructeur que bienfaisant… Le plongeon me passionne me fait me sentir vivante et vibrer, mais sa pratique à haut niveau me détruisait, m’emprisonnait, me réduisant à un simple corps rempli de souffrance.

Mais comment peut-on arriver à un tel paradoxe … ?

L’Amour, je crois.

Un an ? Déjà un an ? J’ai à peine eu le temps de me faire à l’idée que je n’avais arrêté que depuis quelques mois, qu’une année entière s’est écoulée… Le temps passe si vite quand il est occupé.

Cette année passée m’a permis de retrouver un peu d’énergie, mais a également fait grandir le trou béant et le vide peu à peu installés en moi depuis l’Arrêt.

Je suis encore rapidement fatigable, dès que je dors peu ou travaille beaucoup (normalement). C’est difficile à assumer auprès des gens qui m’entourent, puisque je semble jeune et en bonne santé, ex-athlète de haut niveau en plus. Alors je le cache le plus possible, m’éclipsant et m’isolant dès que je le peux pour avoir du temps seule, pour me reposer et me régénérer.

La différence avec ma fatigue actuelle, c’est que je n’ai plus à m’exposer au danger du 10m tous les jours. Après une (très) courte nuit agitée, je n’ai pas à aller à 10m coûte que coûte, à m’élancer dans des acrobaties qui nécessitent le maximum de mes capacités physiques et mentales. Je n’ai plus à prier de ne pas me tuer à chaque plongeon et me le rappeler suffit en général à apaiser mes angoisses d’insomniaques. J’ai « juste » à me lever, à mettre un pied devant l’autre et à me glisser dans le costume du pilote automatique pour faire face à une simplejournée banale et ordinaire.

Un an après, état des lieux

Malgré tout, dès que je franchis une certaine limite de fatigue, mon corps se met en alerte et replonge dans son cercle vicieux destructeur automatique qu’il a si bien connu, comme un vieux réflexe : mauvais sommeil > fatigue accentuée > stress, irritabilité, perte de lucidité & des réflexes > agacement et peur > perte de contrôle > angoisse que ça s’empire encore plus > sommeil détérioré encore plus > et on recommence > fatigue accentuée >  … A la différence près que lorsque cela arrive, bien plus rarement qu’avant que j’arrête, les intensités sont largement supportables, je les reconnais et peux réagir assez vite.

Lorsque j’ai écouté ma propre voix décrire la douleur que je ressentais alors dans le podcast extraterrien (link), le son de mes paroles a résonné en mon fort intérieur, trouvant écho derrière mon sternum, serrant ma poitrine. J’ai su alors que je décrivais quelque chose qui n’appartenait pas au passé mais était bien là, présent avec moi, en moi. Alors j’y ai regardé de plus près, et j’ai vu que j’avais cherché à cacher un vide grandissant chaque jour, en essayant de me consacrer à une vie « normale ». Mais rien n’y a fait, il faut que j’affronte cette douleur, car le temps seul n’y suffira pas.

Un an après, je fais quoi ?

J’ai mis un terme à ma carrière sportive alors que j’avais un diplôme de kiné en poche. C’était, on me le répétait depuis des années à l’Insep, la porte de sortie indispensable pour sortir sans trop galérer du sport de haut niveau. Un diplôme c’est bien, mais c’est vraiment le strict minimum dont on a besoin à ce moment là.

C’est très brutal de quitter un univers de passion, plus ou moins rémunéré, un quotidien où pas un seul jour on a  l’impression de « travailler »,  où l’on est expert, à un monde où l’on n’est rien si ce n’est un bébé, une débutante qui doit tout recommencer de zéro, sans marques ni repères.

C’est pour ces raisons que j’ai pris le chemin de la kiné du sport, par facilité mais par goût aussi, car ça restait un peu mon domaine, dont je connaissais tout. Tout mais du point de vue du patient, ce qui n’est pas pareil mais constituait un bon point de départ… Depuis j’ai suivi une formation de spécialisation avec l’organisme KINESPORT, qui m’a donné de nombreux outils pour me sentir un peu moins bébé, et aussi quelques bons copains ! Je travaille aussi à l’Insep régulièrement sur des vacations de récupération : ça fait du bien de retourner un peu « à la maison » et de donner du soin et de l’attention à des sportifs fatigués et éreintés, connaissant et comprenant bien plus qu’ils ne le croient l’impact de mes soins sur leur performance et leur bien-être d’athlète.

Un an après, replonger ?

Dire que je n’ai jamais songé à reprendre serait mentir. Je sais que beaucoup d’entre vous se posent la question puisqu’ils me le demandent parfois directement, mais je sais qu’il est trop tard, j’ai pris cette décision pour de très bonnes raisons : le mal a été fait et je ne peux pas revenir en arrière. Toutefois je sais aussi que le plongeon me manque, comme la seule et l’unique passion que je n’ai jamais eue, comme l’amour de ma vie dont j’ai dû me séparer. Alors je comprends que j’y reviendrai, d’une manière ou d’une autre, très probablement différemment de ce que j’ai connu jusque là. Y revenir oui, peut-être, mais en créant mon propre modèle : (ré)inventer ma pratique du plongeon, me l’approprier, décider de mes propres règles, et ne devoir rendre de comptes à personnes.

L’événement le plus marquant de cette année écoulée, je crois que c’est ma participation au raid des alizés. Ca a été un évènement digne d’une providence pour moi : la combinaison de personnes incroyablement bienveillantes (ophé, nath <3) et d’épreuves sportives difficiles  qui m’ont permis de me mettre à nue face à moi-même. Participer à cette aventure a été comme un déclic, un réveil, un bon en avant.

Il m’a permis de poser deux certitudes de bases : j’aime le sport, j’aime les gens, j’aime le partage  => l’équation n’est pas très compliquée : j’aime partager le sport avec des gens. Ce postulat doit faire partie de ma nouvelle vie, et figurer parmi ses piliers. Telle sera ma direction pour les prochains mois.

Un an après : pourquoi ai-je arrêté ?

J’ai déjà traité cette question dans d’autres articles, j’y suis revenue en début de celui-ci, mais je trouve cela intéressant de répondre à cette question avec une phrase simple, en se la reposant de temps en temps, pour voir l’évolution de ma réponse et de ma perception de l’arrêt.

Voici donc ma réponse actuelle :

J’ai arrêté car je n’étais plus capable de m’infliger ce que la pratique du plongeon à haut niveau nécessitait alors que j’aimais cela viscéralement. Je ne pouvais plus (accepter de) souffrir davantage.

On verra dans un an si la réponse aura changé…

Athlète de haut niveau et aussi Kiné, je suis parisienne depuis mon entrée à l’INSEP en 2010, lyonnaise de naissance, provençale de coeur, strasbourgeoise d’égarement... Je suis aussi passionnée, sensible & joyeuse, j’adore apprendre, entreprendre, découvrir, et surtout partager !

8 commentaires

  • Julien

    Un texte encore plein d’émotion qui mets des mots sur cette « relation amoureuse » du sport.

    Merci Laura et super live 😉

    Force et surtout prendre soin de soi et profiter de la vie 😉

  • Larroque

    Bonsoir Laura,

    Je viens de lire ton article et, coïncidence, l’Alchimiste ce matin…
    Beaucoup d’analogie entre Santiago et toi.
    Il atteint sa légende personnelle après avoir vécu intensément en suivant les signes, en écoutant son coeur et l’Alchimiste.
    Tu es à une étape de ta légende personnelle, le plongeon en fera toujours partie avec tes succès, tes doutes et tes échecs.

    Le raid des Alizés t’a ouvert d’autres perspectives, et la kiné le moyen de pouvoir te chercher en étant à l’écoute des autres, en essayant de rendre meilleur le monde autour de toi, Bravo !!!

    J’espère ne pas avoir été soporifique, et te souhaite bon courage
    Continue à plancher sur tes aspirations, tes doutes, tes envies.
    Géraud, un amoureux de son sport, le rugby !!!

    • Laura

      Merci Géraud pour ton commentaire. En effet belle coïncidence pas du tout soporifique, bien au contraire : j’ai eu cette même réflexion lorsque j’ai lu le livre en entier il y a quelques mois !

  • fabrice

    Bonsoir Laura,

    message très touchant , on ressent un certains manque , c’est normal ,mais la fatigue que tu ressens encore est surement un signe que tu avais vraiment poussée loin, trop loin ton corps et qu’il te faut te préserver.
    Tu ne peux pas avancer « au radar » comme tu le dis toute ta vie.
    prends sois de toi avant tout…tu retrouveras cette amour , plus tard , j’en suis certain.
    bonne continuation

    Fabrice (pratiquant d’ultra trail que sa passion a mené trop loin également)

    • Laura

      Bonjour Fabrice,
      Réponse tardive de ma part (oups), mais toujours aussi reconnaissante d’avoir vos retours. En effet, nos expériences passées doivent nous servir de curseur pour ne pas laisser les mêmes « erreurs » se reproduire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *